Est-il besoin de rappeler l’importance de la maîtrise de l’énergie dans les bâtiments ? Oui, au moins pour deux raisons, parce que le bâti est le principal pourvoyeur de CO2, cela pour le comportement écoresponsable, et parce que le coût de l’énergie ne cessera d’augmenter, cela pour l’impact économique. D’où la nécessité pour un gestionnaire de biens immobiliers de mettre en place les outils performants pour faire face à ces défis. L’amélioration de l’efficacité énergétique est le quotidien de Cap Technologie, spécialiste des softwares de suivi énergétique. La petite PME innovante tient tête aux grands du secteur. Rencontre.
Parler de Cap Technologie, c’est d’abord faire le récit « d’une aventure humaine », confie son patron, Franck Ferrari. De fait, je risque de ne pas avoir assez de place pour évoquer les dix années écoulées. Dix ans, pour développer un savoir-faire technique unique, jouer des coudes pour « se frayer un passage au milieu des grands opérateurs du secteur de la GTB ». La Gestion technique du bâtiment, ce système informatique supervise l’ensemble des équipements installés dans un édifice, contrôles d’accès, éclairage, chauffage… Il est constitué d’automates qui recueillent les informations des équipements, d’un réseau qui les relie à un poste de gestion, équipé d’un logiciel de supervision, le chef d’orchestre ! Ce sont ces programmes que Cap Technologie développe.
À sa tête donc, Franck Ferrari, sourire franc, poignée de main dynamique, paroles passionnées et un parcours professionnel sans temps mort, qui tient de la course des cent mètres. Enfant de Corse, la mer en ligne de mire, cinq ans d’École nationale supérieure maritime, qui le mèneront tout droit à la barre d’un porte-conteneurs, comme capitaine de première classe de la marine marchande. « Pour le romantisme des voyages ! », pirouette qui ne trompe pas. Lui, qui ne s’épanouit que dans le mouvement, troquera vite le sextant et les coursives de son navire pour la calculatrice et les couloirs de l’École des mines, histoire d’alourdir un CV déjà brillant. Sa vie d’ingénieur le conduit à prendre la responsabilité du Centre technique de réalisation Grand Ouest de Siemens Building Technologies. Sa carrière, « en phase ascendante », semble sur des rails, mais l’homme aime à bousculer la routine : « Je démissionne », dit-il en toute simplicité. Nous sommes en 2002, amarré dans les faubourgs de Nantes, à une encablure de l’océan, Cap Technologie peut prendre la mer ! Épaulé par deux associés, Patrice Château et Yann Le Chalony. Trois ingénieurs, trois profils complémentaires, une idée en tête – «quelle que soit l’issue, pouvoir nous dire que nous avons tenté notre chance » – et un client quasi unique, Siemens. Une parenthèse vite refermée, « nous ne voulions pas rester sous-traitant et évoluer dans l’environnement technique d’un unique donneur d’ordre », développe Franck Ferrari. Point d’inflexion qui change tout. La vraie nature de Cap Technologie peut se révéler et mettre en œuvre ses capacités à déplacer des montagnes. Car, c’est le défi qui attend la PME qui vient « de tirer un trait sur 80 % de [son] chiffre d’affaires ! » Du panache, mais aussi un avis de gros temps : « Nous serrons les boulons, nous allons chercher les affaires, sans véritables compétences commerciales, mais on apprend vite, c’est le projet qui nous motive. » Le questionnement : « On est qui ? On est quoi ? » Puis le positionnement technique : quelle valeur ajoutée proposera l’entreprise. Une réflexion qui débouche sur une profession de foi en trois mots : « Autonomie, évolutivité, sensibilisation ». L’autonomie, « la porte d’entrée de la satisfaction client », soutient Franck Ferrari. Tous les ans, Cap Technologie dépense l’équivalent de 10 % de son chiffre d’affaires en R&D pour élaborer des logiciels sophistiqués, mais rendus abordables à l’utilisateur. Une ergonomie qui « d’un simple clic de souris permet un changement de configuration », des systèmes « Plug and Play », modifiables par des utilisateurs non spécialistes. Si les changements souhaités vont au-delà des compétences du gestionnaire, « liberté lui est donnée de faire appel à nous ou nos prestataires, mais le client reste le pilote de son bâtiment ». Le gestionnaire a une vue globale, en temps réel, du fonctionnement et des automatismes via une multitude de données, des alarmes (panne, arrêt anormal, dépassement de seuil…), des états de fonctionnement des équipements, des mesures (température, nombre de pannes…). Vision panoramique qui anticipe l’insatisfaction et l’inconfort des usagers, « bien avant que ceux-ci ne se rendent compte des éventuelles défaillances ». L’évolutivité, l’autre pilier de Cap Technologie, des protocoles de communication abusivement dits « ouverts », mais qui, en définitive, n’autorisent pas l’utilisateur à faire bouger lui-même son installation et le maintiennent dans une situation de mono-fournisseur. « Un bâtiment bénéficie d’une espérance de vie d’au moins 30 ans, la GTB est pensée pour l’usage initial de l’ouvrage, ce qui n’a aucun sens », rétorque Franck Ferrari qui ajoute, «le soft doit être aidant et non un frein à l’évolution des édifices dans le temps, sinon les changements peuvent coûter énormément et ne pas être en corrélation avec les moyens financiers de l’utilisateur ». Une construction est un organisme qui subit des métamorphoses, les softs de Cap Technologie « sont dès l’origine conçus pour permettre au gestionnaire d’assurer lui-même cette mue qui pérennise son investissement et lui donne de la valeur ». Le client a le dernier mot. Cap Technologie se positionne au plus près des usagers, c’est son troisième pilier, la sensibilisation. Ses programmes contrôlent les dérives en matière de consommation énergétique de l’entreprise. Des capteurs de mesure, des compteurs, communiquent en temps réel les données qui peuvent être diffusées sur des écrans, dans des lieux à fort passage (accueil, cafétéria…) pour sensibiliser les usagers et suggérer un comportement éco-citoyen. Cap Technologie estime que ses solutions permettent « un potentiel de réduction de 30 % de la consommation énergétique des bâtiments d’habitation et tertiaires et de 25 % pour les bâtis industriels ». Des chiffres qui font mouche, les références en témoignent : le nouveau stade du Mans, le siège social de la MAIF ou encore la Mairie de Paris. Du grain reste à moudre pour les 20 collaborateurs, qui ont réalisé 2,5 M€ de chiffre d’affaires en 2014, et cinglent toutes voiles dehors au-delà du Grand Ouest, leur marché traditionnel, visant l’ensemble du marché national, voire l’international à plus long terme. Il y aura encore beaucoup à dire sur les « aventures » à venir.
Par Olivier Durand