Rafraîchissement solaire ou climatisation solaire, les techniques sont prêtes
Le système de climatisation classique produit du froid en comprimant un fluide, à l’aide d’un compresseur, donc de manière mécanique.
« Le rafraîchissement solaire utilise quant à lui une compression thermique, indique François Boudehenn, chef de projet responsable des activités machine à absorption au CEA-INES. Historiquement, les systèmes utilisent des capteurs solaires thermiques alimentant en eau chaude (voire en vapeur) des machines frigorifiques à sorption. Dans les machines à sorption, pour simplifier, on peut considérer que la compression mécanique de vapeur du compresseur est remplacée par un équivalent de compression thermique. »
En réalité, dans ces machines, le fluide frigorigène vapeur en sortie de l’évaporateur est piégé par sorption dans un liquide (on parle d’absorption) ou dans un solide (on parle d’adsorption), poursuit l’expert.
Il existe deux grandes familles de climatiseurs solaires :
- Les machines à cycle fermé utilisent un procédé de refroidissement à sorption pour produire de l’eau glacée. Ces machines utilisent généralement de l’eau comme réfrigérant, mais d’autres fluides peuvent être utilisés comme l’ammoniac, par exemple.
- Les machines à cycle ouvert qui, elles, sont en contact direct avec l’atmosphère et qui agissent directement sur l’air. Ces installations produisent directement de l’air froid et non pas de l’eau glacée comme pour les cycles fermés. La technologie la plus utilisée pour les cycles ouverts utilise les roues à dessiccation en rotation.
Un système de climatisation solaire se compose donc, le plus souvent :
- de panneaux solaires qui transforment le rayonnement solaire en énergie thermique ;
- d’un système de transformation ou machine à sorption qui transforme l’énergie chaleur solaire en froid, couplé à un éventuel système de stockage tampon (ballon) ;
- d’un système de distribution de l’énergie froid et/ou chaud lorsque le système est capable de proposer les deux énergies.
« Tous types de capteurs solaires thermiques peuvent être utilisés, des capteurs plans vitrés traditionnels aux capteurs à concentration en passant par les tubes sous vide. Cela dépend de la machine frigorifique choisie et des niveaux de température requis par celle-ci. »
Les machines à absorption ont besoin d’une température plus élevée au générateur que les machines à adsorption. Un système utilisant la technologie d’absorption a donc normalement plus tendance à utiliser des capteurs à tubes sous vide ou à haute efficacité. (Source : document projet MéGaPICS)
« Le choix du type de capteur est associé à l’usage que l’on fait de l’énergie solaire, mais aussi au type de réfrigérant utilisé ; ainsi une solution eau-ammoniac va permettre d’atteindre des plages de température très larges aussi bien en chaud qu’en froid », précise Yannick Godillot, cofondateur de Helioclim.
Helioclim a donc developpé un type de capteur adapté à l’usage que nous souhaitions faire du système, à savoir un système de climatisation solaire réversible, capable de faire non seulement du rafraîchissement mais aussi du froid, voire du froid négatif, poursuit-il.
« Nous avons donc opté pour un capteur solaire à concentration cylindro-parabolique, le miroir parabole en verre concentrant le rayonnement solaire sur le tube sous vide au centre du capteur, en couplage avec une machine à absorption eau-ammoniac. Ensuite, la distribution du froid et du chaud dans le bâtiment tertiaire est à eau. »
« Pour garantir le fonctionnement quelle que soit la quantité d’énergie solaire disponible, nous avons également intégré dans la machine un système de stockage interne associé à une régulation autoadaptative, unique en son genre, qui modifie ses paramètres automatiquement en fonction des variations de puissance en entrée et aux variations de charge thermique du bâtiment. »
L’investissement de départ est plus important par rapport à un système de climatisation classique, mais Helioclim indique un retour sur investissement suivant les installations de 3 à 7 ans (hors aides et subventions) pour des puissances de froid de 100 à 1 000 kW.
La technologie utilisée est de l’absorption avec le couple de réfrigérant aAmmoniac / eau, il est alors possible de produire à l’évaporateur de l’eau glacée ayant une température inférieure à 0 °C.
Suivant les locaux et la puissance à fournir, la climatisation peut être couplée à un plancher chauffant/rafraîchissant ou bien encore à des ventilo-convecteurs ou à une centrale de traitement d’air.
Avantages et inconvénients du froid solaire
Pour François Boudehenn, « l’avantage principal du froid solaire est l’adéquation entre les besoins (en froid) et la ressource (solaire). Cette adéquation permet de limiter le recours aux énergies fossiles ou nucléaires en privilégiant l’utilisation de l’énergie solaire. L’énergie solaire remplaçant l’énergie électrique, il est ainsi possible également de limiter les surcharges des réseaux électriques en périodes estivales. Enfin, les cycles thermodynamiques utilisés n’ont aucun impact sur la couche d’ozone ou le réchauffement climatique ».
Son coût reste son principal handicap, car les systèmes actuels ne sont pas produits en volume (tout du moins en Europe) ; l’AIE (Agence internationale de l’énergie) recense pourtant plusieurs centaines de projets de climatisation solaire, mais « 75 % des groupes froid à absorption commercialisés sont installés en Asie », ajoute l’expert. Une industrialisation complète est possible et certains acteurs français sont dans la dynamique de ce sujet, notamment Helioclim et Alsolen qui produit à partir du solaire de l’électricité, mais également du chaud, du froid et la distillation de l’eau (dessalement).
Le Serm, à Montpellier, a ainsi équipé un ensemble de bâtiments (tertiaire, logements et commerces) d’un système de climatisation solaire. Le COP électrique annuel ou ratio entre la production d’énergie thermique solaire (en climatisation et en production d’eau chaude sanitaire) et la consommation d’énergie électrique des auxiliaires du système solaire est d’environ 16.
Ces technologies présentent l’avantage d’un haut potentiel de valorisation de la ressource solaire toute l’année, d’une faible consommation électrique (réduite à la pompe de circulation du fluide et à la régulation du système) et utilisent des fluides frigorigènes non nocifs pour l’environnement.
Autre avantage non négligeable du climatiseur solaire, les nuisances sonores qui sont considérablement réduites (du fait notamment de l’absence de compresseur électrique).
Ajoutons que, plus récemment, avec la baisse du coût du panneau solaire photovoltaïque et la production massive de machines frigorifiques à compression de vapeur, des couplages directs entre des panneaux photovoltaïques et des climatiseurs à compression de vapeur sont étudiés.
Ce couplage vise à développer des systèmes de nouvelle génération, principalement de petite puissance.
Une méthodologie de mise en œuvre est établie
Une méthode complète d’accompagnement à la mise en œuvre a été développée dans le cadre du projet MéGaPICS intégrant la définition d’indicateurs, mais également des valeurs cibles à atteindre en termes de performances en fonction du schéma d’installation et de ses conditions de fonctionnement.
Des outils d’ingénierie de mise en œuvre existent et permettent, par exemple, de prédimensionner et de prévoir les performances des installations solaires de rafraîchissement ou climatisation et de chauffage, de production d’eau chaude sanitaire avec ou sans système d’appoint d’énergie.
Des documents existent également pour aider la maîtrise d’œuvre dans la préparation de ces dossiers de consultation aux entreprises (DCE) ainsi que des guides pour la maintenance, le télécontrôle des installations.
Le potentiel solaire français est encore sous-exploité.
D’autres pays sont en avance sur le sujet, notamment en Europe avec l’Allemagne et l’Espagne.
En France, quelques projets de climatisation solaire sont en cours comme, par exemple, à Quimper, en Bretagne, où le projet est soutenu par l’agence locale de l’énergie
« Il n’y a plus de financement direct car le programme Emergence ayant été achevé, les projets de froid solaire sont désormais soutenus au cas par cas par les délégations régionales de l’Ademe. Ils ne sont pas éligibles au fonds chaleur », nous confie Céline Coulaud, précédemment en charge du programme Emergence au sein de l’Ademe.
Avec le développement de la transition énergétique, aussi bien en France qu’en Allemagne, ce type de solutions pourrait progressivement se multiplier, notamment si des machines de faible puissance (5 à 20 kW froid ) à prix compétitifs venaient à être lancées.
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