Il y a 222 ans, les musées ouvraient leurs portes au public, et livraient par là même leurs œuvres à tous les risques, en particulier celui de la détérioration. S’est alors posée la question de leur protection, contre le froid, la chaleur, et bien entendu la lumière, pourtant indispensable à leur découverte. Qu’elle soit naturelle ou artificielle, la lumière peut aujourd’hui être contrôlée, donc maîtrisée ; tout d’abord via des dispositifs qui laisseront pénétrer les rayons du soleil mais en les détournant, des sources sans ultraviolet ni infrarouge, des luminaires équipés de cadreurs et enfin grâce à une gestion de plus en plus sophistiquée de l’éclairage naturel. Alors, lighting or not lighting ? Ce n’est peut-être pas là, la question…
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Des œuvres entre ombres et lumières
La norme EN12464-1, qui est une référence pour tous les domaines d’application, se fait fort discrète lorsqu’il s’agit d’éclairage des musées et, pour ne pas laisser croire que ces derniers ont été oubliés, indique dans le tableau des valeurs d’éclairement.
« L’éclairage est déterminé par les exigences de l’exposition ». C’est dit, chacun fait comme il peut. Il faut avouer que la question est complexe, d’une part, à cause de la diversité des œuvres, leur forme, leur volume et leur fragilité, et, d’autre part, compte tenu du nombre d’intervenants, tous légitimes dans leur argumentation : architectes, conservateurs, muséographes, concepteurs lumière doivent entretenir un dialogue permanent pour obtenir un consensus qui, au final ne nuise en aucune façon ni aux œuvres, ni à l’architecture, pas plus qu’au confort visuel du public. De manière générale, les entrées et halls d’accueil, où se trouvent les billetteries et les informations sur le musée, sont traités comme des zones intermédiaires ou de transition qui doivent permettre à l’œil de s’adapter aux faibles niveaux d’éclaire- ment des salles d’exposition. Si l’on considère que la lumière du jour est à environ 10 000 lux, il est conseillé de rester en des- sous de 1 000 lux dans les halls d’entrée. Mais attention, la nuit, les extrêmes sont inversés : on passe de 30 lux à l’extérieur à 200 ou 300 lux pour les circulations, il faut donc prévoir la possibilité de baisser le niveau d’éclairement le soir.
La lumière naturelle, un atout ?
Longtemps controversée en muséographie, la lumière s’est faite timide, discrète, voire quasiment inexistante. Puis, les concepteurs lumière, de plus en plus souvent sollicités pour éclairer les musées, ont pris le parti d’utiliser la lumière du jour. Avec la rénovation du musée Guimet à Paris en 2001, c’est une véritable métamorphose qui s’est opérée à l’époque : les architectes Henri et Bruno Gaudin et le concepteur lumière Georges Berne (aujourd’hui Agence 8’18’’) ont laissé entrer la lumière du jour dans le bâtiment, pour le «faire respirer ».
Pas de clairs obscurs ou d’ambiances lumineuses, les concepteurs ont voulu donner de grands mouvements lumineux à l’ensemble du bâtiment, avant même d’entrer dans le détail de la muséographie. Ce parti pris se traduit par un flot de lumière naturelle que laisse passer la verrière coiffant l’atrium situé au cœur du musée.
Pour François Migeon, concepteur lumière, Agence 8’18’’, « au musée Fabre à Montpellier, il y avait une réelle volonté d’utiliser la lumière naturelle. Dans certains musées, la lumière va permettre de comprendre les volumes et les espaces du bâtiment pour faciliter la lecture des œuvres ».
De perturbatrice, la lumière du jour, maîtrisée, est devenue un atout comme dans le MUSE (voir photo p. 20), la lumière naturelle entre par les côtés et la toiture ; et l’habilité avec laquelle elle est gérée est l’un des éléments qui caractérisent l’architecture de RPBW. La définition de l’éclairage artificiel a été confiée à l’expérience et à la sensibilité de Piero Castiglioni. Selon Jean-Jacques Ezrati, éclairagiste- conseil, « si l’on considère le musée comme un média, au même titre que le cinéma, le théâtre et la télévision, l’exposition en est bel et bien son moyen d’expression privilégié. On peut concevoir que toute exposition met en synergie trois logiques distinctes ». Tout d’abord, celle du contenu qui, selon lui, s’appuie sur la construction du scénario et représente la dimension sémantique du langage de l’exposition. Ensuite, une logique spatiale, « qui transpose la logique précédente d’une manière esthético-expressive par la traduction dans l’espace du contenu, reliant les différents éléments entre eux », autrement dit la scénographie, et une logique gestuelle,
« que l’on peut définir comme communicationnelle, indissociable des deux premières pour transformer une scénographie de l’espace en une expographie ».