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IBM, Intel, Microsoft… ces géants de l’informatique qui rendent nos villes intelligentes

Villes connectées, les ténors du numérique en concurrence 

Montpellier aura donc sa ville intelligente. C’est ce que vient d’annoncer IBM dans un communiqué où la société américaine décrit les objectifs sur lesquels vont se baser ce nouveau partenariat : transformer la capitale du Languedoc-Roussillon en « laboratoire urbain » et en faire une « plateforme de l’innovation et de l’économie digitale ». Rien que ça. Le but de cette collaboration est d’améliorer de manière significative les services que la ville propose à ses habitants et de leur assurer une pérennité. De la gestion de l’eau à celle des risques (accidents de la route, inondations) en passant par la mise en place de transports intelligents, de nombreuses initiatives vont voir le jour et impacter  de manière positive la vie des montpelliérains.

IBM n’est pas la seule entreprise à se lancer dans la course aux « smart cities ». Intel, autre mastodonte de l’informatique, vient d’annoncer avoir signé un contrat avec la ville de San José aux Etats-Unis pour en faire une ville nouvelle génération. Ici, des capteurs vont bientôt pouvoir mesurer la qualité de l’air et de l’eau, analyser le trafic autoroutier ou la pollution sonore. Cisco et Dubaï, Google et Kansas City, Intel et Dublin, les associations haute technologies-agglomération ne cessent de voir le jour au quatre coins du monde pour façonner un modèle de cité qui place le progrès au service du citoyen et de son environnement.

Des accords gagnant-gagnant

A partir de quand une ville peut-elle être considérée comme « intelligente » ? Quels objectifs doit-elle remplir pour être affublée de ce titre qui sonne si bien aux oreilles ? Difficile de vraiment statuer dans la mesure où aucune définition officielle n’a été décidée pour le moment. Une description surnage pourtant et sert de point d’ancrage à toutes théorie sur le sujet : une ville est dite intelligente à partir du moment où elle met en place « un type de développement urbain apte à répondre à l’évolution ou l’émergence des besoins des institutions, des entreprises et des citoyens, tant sur le plan économique, social, qu’environnemental ».

Le Web 3.0, la domotique, l’interconnexion ont considérablement changé notre capacité à satisfaire ces besoins. Les acteurs du numérique et leurs innovations ont réussi à dépasser l’espace de l’utilisateur individuel pour étendre leur influence à l’échelle de villes entières. Ils sont donc quelques uns à sauter sur le marché des villes intelligents, marché qui devrait représenter 1266 milliards de dollars en 2019. Une aubaine financière qui devrait pousser ces experts de l’électronique à multiplier les projets.

Les municipalités et autres instances décisionnaires peuvent désormais compter sur des entreprises capables de déployer des technologies innovantes pour mettre sur pieds toutes sortes de chantiers, du plus anecdotique au plus ambitieux : la sauvegarde de notre planète. L’éco-responsabilité est en effet devenue une priorité pour beaucoup de mégalopoles à travers le monde et fait l’objet de nombreuses initiatives.

Smart city, une ville au cœur de la transition énergétique

La transition énergétique est sur le point d’être amorcée en France avec une loi qui devrait être adoptée en France courant 2014. Cette révolution verte vise à réduire la part du nucléaire et notre dépendance aux énergies fossiles en favorisant l’essor des énergies renouvelables. Les réseaux intelligents sont la clé de voute de ce projet qui prévoit également une diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Déclinaison directe des smart cities, ce qu’on appelle aussi les « smart grids » sont des réseaux intelligents de distribution d’électricité qui utilisent des technologies informatiques pour optimiser la distribution et la consommation d’électricité. Linky, le nouveau compteur communicant mis au point par ERDF, va permettre aux foyers d’avoir un accès en temps réel à leur consommation et de pouvoir la réguler en conséquence. Résultat : une société moins énergivore et des euros en moins sur la facture du consommateur.

L’énergie n’est pas le seul problème auquel vont s’attaquer nos villes intelligentes, la gestion de l’eau potable en est un autre. D’ici 2025, on estime que 3 milliards de personnes sur Terre souffriront d’un manque d’eau potable en raison du réchauffement climatique et de l’augmentation de la population. Face à cette menace, les « smart water meters », comprenez « compteurs de gestion d’eau intelligents », sont amenés à être de plus en plus développés. La région Savoie va bientôt faire appel à Arad, une société israélienne, pour installer des compteurs connectés qui permettront de surveiller en temps réel sa consommation d’eau et éviter ainsi tout gaspillage.

A quand une Google city ?

Si ERDF et Arad ne sont pas des sociétés spécialisées en informatique, on peut très bien imaginer que Microsoft, Dell, Google et consorts se penchent de manière plus pointue à l’avenir sur nos questions environnementales et sortent de leur département R&D des idées révolutionnaires que nos chères collectivités s’empresseront d’adopter. Ces nouvelles alliances ont beau avoir des avantages indéniables, elles sont à l’origine de nombreuses critiques qui voient d’un mauvais œil l’invitation de multinationales à la table de décisions politiques. Jusqu’où peut-on laisser ces entreprises s’immiscer dans la chose publique ? Doit-on limiter leur niveau d’intervention ou au contraire profiter un maximum des technologies qu’elles mettent à notre disposition? La peur d’une cité future contrôlée par une compagnie aux intentions malveillantes a infiltré nos esprits pour laisser place à la paranoïa d’un inconscient collectif nourri aux films d’anticipation.

Ces craintes ne tiennent pourtant pas la route bien longtemps. Les villes intelligentes s’inscrivent dans une démarche de développement durable et visent principalement à assurer la viabilité de notre modèle de cité tel qu’il est envisager pour demain, moins énergivore et plus responsable. Continuer à avoir de l’eau potable en 2050, pouvoir s’éclairer sans nuire à la planète, autant de questions du quotidien auxquelles se proposent de répondre les smart cities. Afin de se projeter dans le futur, les penseurs de ces villes communicantes doivent s’appuyer sur notre présent et les accords public-privé sont donc les bienvenus s’ils permettent de dynamiser une démarche ambitieuse qui profite à notre avenir.

Xavier Desmaison: Maître de conférences à Sciences-Po en stratégie de communication, d'influence et d'e-influence. Business angel, il siège au conseil d'administration d'une dizaine de start-ups, et du groupe 3e Médias. Amateur d'art, il est membre du comité de rédaction de la revue d'art Prussian Blue.