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Réduire les émissions de CO2 doit rester l’objectif majeur

Ancien ministre de l’Écologie, ambassadeur en charge des négociations sur le changement climatique… Serge Lepeltier a fait de l’environnement sa spécialité. Que Jean Bergougnoux, président de l’association Équilibre des énergies, l’invite pour aborder une question aussi complexe que la réduction des émissions de CO2 dans le bâtiment, rien de surprenant.

Des règles BBC trompeuses
Également maire de Bourges, Serge Lepeltier s’est impliqué personnellement dans la rénovation énergétique du parc existant de sa ville. Une expérience qui lui a permis de prendre conscience d’un aspect souvent ignoré dans les projets de construction comme de rénovation : les émissions de carbone. « Bourges a mené le plan de rénova- tion urbain le plus impor- tant de France par tête d’habitant : nous avons détruit 2 200 logements pour en construire 1 600. À l’époque, nous avons suivi la RT 2005 alors qu’elle n’était pas encore en vigueur, puis très rapidement nous avons fixé un objectif RT 2005 – 20 %.
De mon point de vue, atteindre le niveau BBC était bien, mais j’ai découvert que cette performance s’appuyait sur l’énergie gaz qui émet plus de CO2 que l’électricité. Ce point n’a jamais été soulevé par mes équipes, nous étions focalisés sur le gain économique. »

Les élus doivent être mieux informés sur l’environnement
Pour le maire de Bourges, le ratio investissement/ gain en CO2 n’est pas calculé parce que l’objectif, dans le bâtiment aujourd’hui, est axé sur la consommation énergétique. Il faut, selon lui, changer de paradigme et engager un travail de sensibilisation auprès des élus, mais aussi des politiques qui n’ont pas conscience que l’on pourrait faire beaucoup mieux du point de vue environnement en visant la réduction de CO2 : « Le seul objectif doit rester la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. Et cela ne peut pas s’appuyer uniquement sur la baisse des consommations d’énergie. Seule la réduction de la consommation est prise en compte, pas les émissions de carbone, ce qui est un non-sens au vu de l’enjeu. Les élus ne sont pas sensibilisés au mix énergétique ou aux solutions existantes en matière d’efficacité active des bâtiments permettant pourtant un retour sur investissement très rapide. »
Coût de l’inaction : – 5 à – 20 % du PNB
Pour Serge Lepeltier, « il faut imposer une évaluation basée systématiquement sur les coûts économiques ET sur les coûts environnementaux ». La réglementation n’évoque pas cet aspect alors qu’il y a urgence à réduire nos émissions de carbone : les chiffres que rappelle l’ancien ministre sur l’évolution du climat depuis un demi-siècle sont alarmants. Il ajoute que le temps des climato-sceptiques est passé, que « le rapport du Giec de septembre 2013 est sans équivoque : le réchauffement climatique s’accélère de manière exponentielle avec un effet autoaccélérateur ». Au-delà des conséquences naturelles (inondations, ouragans, sécheresse…), c’est toute l’économie mondiale qui risque de payer cher le coût de l’inaction. « Le rapport Stern sur l’économie du changement note que, si rien n’est engagé pour freiner le réchauffement climatique, la consommation mondiale baissera de 5 à 20 % selon les régions. Il faudrait investir 1 % du PNB pour obtenir des résultats sur la transition énergétique, a expliqué Serge Lepeltier. Le choix est simple : coût de l’action = 1 % du PNB ; coût de l’inaction = – 5 à – 20 % du PNB. » Reste à convaincre les États de s’engager dans une politique de réduction de leurs émissions de carbone, objectif de la prochaine conférence environnementale qui aura lieu à Paris en 2015. Un défi lorsque l’on sait que la Chine, les États-Unis, la Pologne… sont vent debout contre un tel engagement.

Pascale Renou: Journaliste J3e
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