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Le premier CPE en logement social

Résidence La Saussaie, à Vitry-sur-Seine. La rénovation des 3 bâtiments qui composent cet ensemble immobilier et représentent 20 448 m2 Shon a fait l’objet d’une vaste rénovation. Les travaux comprenaient l’isolation thermique, la mise en place d’une ventilation naturelle hygroréglable, un rééquilibrage des réseaux de chauffage et l’implantation d’une installation solaire thermique. La performance énergétique des bâtiments est calculée en temps réel par l’exploitant (Cogemex).

Le rééquilibrage du système de chauffage est un point important du CPE. Trois départs ont été créés depuis la sous-station ; les 3 bâtiments implantés selon des orientations différentes sont ainsi régulés séparément et plus finement. Le réseau a été entièrement calorifugé. Dans les logements, électrovannes, thermostats et sondes de température ont été déployés. La température de consigne oscille entre 16 (en cas d’absence du locataire) et 21 °C. Les vannes d’équilibrage permettent d’homogénéiser les débits ; l’écart de température entre le mieux et le moins bien chauffé n’excède pas 2 °C. Des sondes de température radiorelevables ont été installées dans les appartements pour affiner encore la régulation.

C’est un ensemble compact de 3 résidences HLM comprenant 231 logements sociaux.
Construites en 1965, elles n’ont jamais été rénovées. Près de 50 ans plus tard, LogiRep, le bailleur, décide d’engager un programme de rénovation énergétique. Façades mal isolées, planchers déperditifs, huisseries à changer, électricité, plomberie… sans compter le confort intérieur de chaque logement qui doit être rafraîchi, un vaste chantier s’engage en 2010 sous la conduite de Brézillon, mandaté à la tête du groupement qui doit réaliser l’opération(3). Le montant total des travaux s’élève à 4 M€ pour la rénovation énergétique et 5 M€ pour l’amélioration du confort des appartements.

Fait nouveau dans le secteur du logement social : la commande repose sur un contrat de performance énergétique qui inclut :

  • une garantie de résultats : le groupement s’engage à assurer pendant 4 ans (jusqu’à fin 2016) la maintenance des équipements énergétiques et à garantir une économie d’énergie de 40 % sur le chauffage et l’eau chaude sanitaire après travaux ;
  • la participation financière des locataires aux travaux d’économies d’énergie par la mise en place d’une troisième ligne de quittance ;
  • le principe du partage de l’économie de charges (escomptée) entre le bailleur et les locataires.

C’est le premier CPE appliqué au logement social.

Phase décisive : définir le point de référence avant travaux
Un audit énergétique réalisé par un bureau d’étude thermique externe et une réflexion en amont associée à un calcul en simulation thermique dynamique (4) ont permis de définir le bouquet de travaux à entreprendre et de déterminer le point zéro, un élément décisif pour la réussite d’un CPE, selon Thierry Chapuis, directeur général de Cogemex, en charge de la maintenance : « La consommation peut varier selon que l’on s’appuie sur les données climatiques, sur la consommation de l’eau chaude sanitaire de l’éclairage… La typologie des résidents peut également modifier les résultats significativement : dans des immeubles bien isolés, la consommation d’énergie peut varier de 50 % selon qu’il s’agit de familles très présentes au domicile ou de célibataires absents dans la journée. Bien définir ces variables d’ajustement et le point zéro avec le client permet de prévoir avec plus de précision les économies d’énergie futures. Dans le cas de la résidence de Vitry, nous avons considéré que les bâtiments n’allaient pas changer d’usage dans le temps et que les comportements seraient constants. Nous avons pris des variables d’ajustement simples, mesurables et compréhensibles pour tout le monde : les données météo (DJU) pour le chauffage, et le volume d’eau réchauffé pour l’eau chaude. La valeur initiale de consommation pour le chauffage a été fixée à 2 467 MWh pour 2 279 DJU, et à 7 552 m³ par an pour l’ECS (110 kWh/m³ pour le réchauffage).

Un résultat bien au-delà des projections
Résultat après 18 mois de travaux et une année de chauffe : la résidence passe de 153,1 kWh/m2.an à 76,6 kWh/m2.an, soit de la classe E à la classe A en termes d’étiquette énergétique. L’ensemble immobilier est éligible au label BBC. Plus de 50 % d’économies d’énergie réelles sont atteints, soit 480 €/logement, bien au-delà de la garantie de résultat de 40 % fixée par le CPE. Pour les locataires, c’est une baisse de la facture d’énergie de 28 €/mois. Cette réussite paraît facile lorsque l’on sait que ces bâtiments datent de 1965 et n’ont jamais été rénovés. L’objectif de – 40 % a-t-il été sous-estimé ? Thierry Chapuis répond que la résidence n’était pas très énergivore comparée à d’autres immeubles du même type ; c’est le premier CPE en logement social, il n’y avait pas de retours d’expériences sur lesquels s’appuyer ; enfin, la consommation étant liée au comportement des usagers, Brézillon a joué la prudence. Sur ce point, la sensibilisation des occupants a eu un impact significatif sur les résultats.

L’adhésion des locataires dans la réussite du projet
Pour atteindre les objectifs fixés par le CPE, un travail auprès des résidents a été mené avec le soutien d’un sociologue, René Bresson, et l’association vitryote « Les ambassadeurs du développement durable » :

  • réunions générales et individuelles ;
  • kit d’instrumentation pour aider les locataires à maîtriser les consommations (lampe à économie d’énergie, sablier pour sensibiliser au temps passé sous la douche et à la consommation d’eau chaude…) ;
  • distribution d’un « guide de la réhabilitation » dès le début des travaux ;
  • remise d’un livret des gestes verts ;
  • lancement d’un site Internet dédié pour suivre les consommations individuelles…

Grâce à cette méthode, les résultats ont dépassé significativement les objectifs.

Ainsi, la combinaison équipements performants + régulation + comportement vertueux, les trois valeurs clés de la performance énergétique, explique le succès de cette opération. Mais pas seulement. D’autres facteurs de réussite sont à noter, comme la coordination entre les corps d’état, les travaux ayant été réalisés en site occupé. Dès la conception, Brézillon a instauré un travail en synergie et en confiance avec les différents intervenants ; une approche nouvelle pour le DG de Cogemex qui reconnaît « le challenge »mais aussi le bénéfice de cette nouvelle approche dans le bâtiment.

S’ajoute le commissionnement, inhabituel pour les constructeurs mais nécessaire dans le cadre du CPE, pour comparer le résultat des travaux aux objectifs (le CPE prévoit une pénalité de 100% de la surconsommation). Le commissionnement a été réalisé à chaque étape, en particulier des tests d’étanchéité par thermographie sur les fenêtres et les parois.

Pour Thierry Chapuis, les constructeurs vont devoir de plus en plus souvent s’engager sur la performance des bâtiments. Bouygues Bâtiment Île-de-France ne s’y est pas trompé en intégrant avec Bouygues Énergies & Services la société de maintenance Cogemex, il y a 3 ans.

Pascale Renou

(1) Filiale du proupe Polylogis.
(2) Filiale de Bouygues Bâtiment Île-de-France.
(3) Le groupement comprend Brézillon (mandataire), Lair&Roynette architectes, le bureau d’étude technique CET et l’entreprise de maintenance Cogemex.
(4) Des simulations thermiques dynamiques ont été réalisées avant, pendant et après travaux.

L’intégration des énergies renouvelables est un des éléments qui permet de répondre à la garantie de résultat du CPE de Vitry. L’installation de panneaux solaires thermiques en toiture assure 30 % du volume d’eau chaude/an. Lorsque les apports solaires sont insuffisants, la sous-station prend le relais pour le chauffage de l’ECS. La production d’ECS solaire est suivie grâce à des compteurs dédiés.

 

 

Pascale Renou: Journaliste J3e
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