j3e – Dans le cadre de l’éco-conditionnalité des aides publiques, 30 000 professionnels de la filière bâtiment devraient être qualifiés RGE au 1er juillet 2014. Un tel objectif est-il atteignable ?
Philippe Pelletier – Le principe de l’écoconditionnalité des aides publiques est quelque chose de nouveau dans notre pays, et je l’approuve vivement puisque j’ai été à l’origine de ce mouvement. Les présidents des fédérations du bâtiment ont compris qu’il serait difficile de faire monter les professionnels en compétences sans cette perspective. Nous avons posé ce principe d’éco-conditionnalité ensemble, au moment où se mettait en place la qualification RGE. Nous n’avions pas fixé de date précise. Les ministres ont annoncé mi-2014. Par définition, un délai n’est jamais le bon, il est toujours trop tôt ou trop tard, mais arrêter une date évite de rester dans une sorte de virtualité ; il faut, à un moment, hâter le pas. L’offre de service RGE ne sera probablement pas au niveau attendu, il y aura sans doute un peu de tension dans certaines branches, toutes n’avancent pas au même rythme, mais l’élan que cela va créer est une bonne chose. Cette tension momentanée ne me fait pas peur.
j3e – Y a-t-il assez de formateurs et de lieux de formation ? Les modes pédagogiques sont ils adaptés aux besoins ? La qualification est un processus souvent long, lourd et coûteux…
P.P. – Des progrès réguliers sont réalisés concernant ces sujets ; il y a des formations sur site, nous sommes ouverts à des formations dispensées par les industriels et les distributeurs… ; c’est quelque chose qui se construit en marchant et, pour le moment, personne n’a dit qu’il y a une liste d’attente inquiétante. Les organismes de formation ont conscience qu’il va falloir augmenter le nombre des formateurs et diversifier les pédagogies pour répondre à la demande qui ne peut aller que croissante. Mais nous ne partons pas de rien, les formateurs qui vont être habilités à dispenser la formation RGE forment déjà aux activités du bâtiment, c’est un ajustement à organiser. Quant à l’attribution de la qualification, nous réfléchissons avec les organismes certificateurs pour que la procédure soit plus légère, moins coûteuse et plus rapide. Tout cela est en mouvement. La direction est bonne et le principe excellent : pas un euro public ne sera dépensé si les travaux de rénovation énergétique d’un bâtiment ne sont pas confiés à une entreprise qualifiée.
j3e – Les aides de l’État suffiront-elles pour que les ménages passent à l’acte ?
P.P. – Je n’ai jamais pensé que les 16 millions de résidences principales seraient rénovées dans un laps de temps court. Personne ne peut l’imaginer. Je m’inscris dans la durée ; ce que fait la loi en fixant un horizon 2050. N’ayons pas une exigence impossible qui fait qu’on jugerait qu’un processus est mauvais parce que, dans un temps théorique trop court, nous n’aurions pas le résultat attendu. Notre objectif premier était de généraliser la prise de conscience que le coût de l’énergie va peser sur le pouvoir d’achat. Cela est en train de s’ancrer dans les esprits. Le coût de l’énergie va augmenter ; nous ne savons pas quand ni comment, mais nous en avons l’intuition. Il faut ensuite comprendre que, même si nous n’en sommes pas encore là, l’inaction va coûter cher. Quant aux ressorts qui feront passer les ménages à l’acte, ils peuvent varier selon :
– la prise de conscience des enjeux planétaires et du réchauffement climatique, même si ce n’est pas ce qui pèse actuellement le plus dans la décision des ménages ;
– l’importance du montant des charges de chauffage. Pour les ménages en situation de précarité énergétique, ce sujet pèse lourdement ; certains ne se chauffent pas. Pour d’autres, la décision de rénover sera prise lorsqu’ils auront compris qu’ils peuvent mieux se chauffer sans grever leur budget de fonctionnement ;
– en outre, un autre levier, que je crois puissant dans les temps à venir, est la valorisation du bien. Une étude auprès des notaires a montré une différence significative de la valeur d’une maison selon qu’elle est économique ou énergivore. Les propriétaires vont comprendre qu’ils doivent consacrer une partie de leur épargne à maintenir la valeur de leur patrimoine.
j3e – Comment encourager les bouquets de travaux pour éviter des chantiers morcelés qui ne sont in fine pas toujours cohérents ni efficaces ?
P.P. – je ne vois pas d’autre solution. Ce prêt a l’avantage de mettre à disposition des maîtres d’ouvrage un capital qu’ils n’ont pas ou ne veulent pas consacrer à un bouquet de travaux énergétiques qui produit pourtant un effet immédiat. Il faut qu’ils comprennent que cette approche ne coûte pas plus cher que des travaux « à la petite semaine », dès lors que la trésorerie de l’opération est mise à leur disposition. Ils rembourseront sur une longue durée, feront les travaux en une seule fois et réaliseront des économies d’échelle sur leur facture. Le crédit d’impôt développement durable est l’autre élément qui donne de la cohérence à notre démarche car il va favoriser la réalisation de bouquets de travaux. En cela, le CIDD s’inscrit dans la même logique que l’éco-PTZ.
j3e – Et les banques vont s’engager ?
P.P. – Elles disent être prêtes à s’engager, et je vous rappelle qu’elles l’avaient fait initialement. Nous avons connu une période où il y avait jusqu’à 10 000 éco- PTZ/mois. Si elles ont arrêté de distribuer cet éco-prêt, c’est parce qu’on leur demandait de contrôler l’éligibilité des travaux. Ce n’était pas leur rôle. Avec un temps administratif trop lent, il a enfin été décidé d’ajuster le système pour que ce soit l’entreprise de travaux qui porte cette responsabilité. Il nous a manqué un peu de temps pour que cet ajustement soit inscrit dans le projet de loi de finances 2014. Il sera acté dans le prochain dispositif législatif, le plus rapidement possible. Les banques ont été impliquées dans cette réforme, et j’y mets beaucoup d’espoir. Mais ne soyons pas impatients à l’égard des ménages ou même des copropriétaires qui ne sont pas passés à l’acte. Pour répondre à leurs attentes, il fallait que l’offre se mette en place.
j3e – Les copropriétés, justement, ont du mal à s’engager dans la rénovation. Comment les mobiliser ?
P.P. – La rénovation des copropriétés est un sujet compliqué auquel nous allons fortement nous atteler en 2014. Pour le moment, notre action s’exerce surtout auprès des fédérations immobilières qui s’étaient concentrées sur le projet de loi Alur. Elles vont bientôt pouvoir se mobiliser sur d’autres sujets, en particulier des partenariats et des actions de formation massive des syndics. Nous savons ce qu’il faut expliquer aux syndics ; ce sera fait avec les Régions, les énergéticiens et le soutien de réseaux mutualistes. Je pense aussi que de grands réseaux bancaires vont nous appuyer. Il fallait, avant toute chose, qu’une « boîte à outils » soit mise au point. La parution, le 27 décembre dernier, du décret ouvrant la voie à l’éco-PTZ collectif permettra à un syndic de présenter les financements en même temps qu’il présentera, à la copropriété, les dépenses de travaux. Et lorsque la loi Alur sera votée, de nombreuses dispositions allégeront la procédure et la prise de décision. Les outils sont désormais en place pour le secteur des copropriétés. Il faut maintenant former les syndics. C’est le point de départ. L’information des copropriétaires viendra ensuite, c’est un sujet du 2e trimestre 2014.
j3e – Qu’en est-il des collectivités territoriales ? La loi Handicap, qui peut se traduire par une coûteuse mise en conformité des ERP, ne permet pas à certaines collectivités de rénover leurs bâtiments comme elles le voudraient.
P.P. – Dans le projet que l’on porte pour la rénovation énergétique du parc tertiaire public et privé (rapport Gauchot), nous avons posé un principe fondamental qui est la soutenabilité de la dépense. C’est un principe en parfaite adéquation avec les règles européennes selon lesquelles on ne conduit pas un acteur, quel qu’il soit, à une dépense qui ne serait pas soutenable. Si les moyens ne sont pas disponibles, la dépense n’a pas lieu. Notre conseil aux collectivités est de concentrer leurs efforts sur un type de bâtiment ou un immeuble en particulier. La recommandation que je leur adresse est de traiter en priorité le parc éducatif. Certaines régions l’ont déjà fait avec les lycées et c’est une très bonne démarche. Si l’on assurait la rénovation des écoles, collèges, lycées et universités, les jeunes qui y sont scolarisés seraient les meilleurs ambassadeurs du monde pour inciter leurs parents à s’engager eux aussi dans la rénovation du logement. J’entends bien que les territoires ont des obligations qui se télescopent, que leurs finances ne sont pas extensibles. Mais il n’y a pas, à ce jour, d’obligation de rénovation pour les collectivités. Il est vrai que le décret de rénovation du parc tertiaire doit être acté en 2014, et c’est pour cela que j’ai pensé bon de lancer un engagement volontaire à l’intention de ceux qui veulent et peuvent s’engager dans le mouvement sans attendre.
j3e – Comment encourager les bouquets de travaux pour éviter des chantiers morcelés qui ne sont in fine pas toujours cohérents ni efficaces ?
P.P. – Pour cela il faut relancer l’éco-PTZ, je ne vois pas d’autre solution. Ce prêt a l’avantage de mettre à disposition des maîtres d’ouvrage un capital qu’ils n’ont pas ou ne veulent pas consacrer à un bouquet de travaux énergétiques qui produit pourtant un effet immédiat. Il faut qu’ils comprennent que cette approche ne coûte pas plus cher que des travaux « à la petite semaine », dès lors que la trésorerie de l’opération est mise à leur disposition. Ils rembourseront sur une longue durée, feront les travaux en une seule fois et réaliseront des économies d’échelle sur leur facture. Le crédit d’impôt développement durable est l’autre élément qui donne de la cohérence à notre démarche car il va favoriser la réalisation de bouquets de travaux. En cela, le CIDD s’inscrit dans la même logique que l’éco-PTZ.
j3e – Et les banques vont s’engager ?
P.P. – Elles disent être prêtes à s’engager, et je vous rappelle qu’elles l’avaient fait initialement. Nous avons connu une période où il y avait jusqu’à 10 000 éco- PTZ/mois. Si elles ont arrêté de distribuer cet éco-prêt, c’est parce qu’on leur demandait de contrôler l’éligibilité des travaux. Ce n’était pas leur rôle. Avec un temps administratif trop lent, il a enfin été décidé d’ajuster le système pour que ce soit l’entreprise de travaux qui porte cette responsabilité. Il nous a manqué un peu de temps pour que cet ajustement soit inscrit dans le projet de loi de finances 2014. Il sera acté dans le prochain dispositif législatif, le plus rapidement possible. Les banques ont été impliquées dans cette réforme, et j’y mets beaucoup d’espoir. Mais ne soyons pas impatients à l’égard des ménages ou même des copropriétaires qui ne sont pas passés à l’acte. Pour répondre à leurs attentes, il fallait que l’offre se mette en place.
j3e – Les copropriétés, justement, ont du mal à s’engager dans la rénovation. Comment les mobiliser ?
P.P. – La rénovation des copropriétés est un sujet compliqué auquel nous allons fortement nous atteler en 2014. Pour le moment, notre action s’exerce surtout auprès des fédérations immobilières qui s’étaient concentrées sur le projet de loi Alur. Elles vont bientôt pouvoir se mobiliser sur d’autres sujets, en particulier des partenariats et des actions de formation massive des syndics. Nous savons ce qu’il faut expliquer aux syndics ; ce sera fait avec les Régions, les énergéticiens et le soutien de réseaux mutualistes. Je pense aussi que de grands réseaux bancaires vont nous appuyer. Il fallait, avant toute chose, qu’une « boîte à outils » soit mise au point. La parution, le 27 décembre dernier, du décret ouvrant la voie à l’éco-PTZ collectif permettra à un syndic de présenter les financements en même temps qu’il présentera, à la copropriété, les dépenses de travaux. Et lorsque la loi Alur sera votée, de nombreuses dispositions allégeront la procédure et la prise de décision. Les outils sont désormais en place pour le secteur des copropriétés. Il faut maintenant former les syndics. C’est le point de départ. L’information des copropriétaires viendra ensuite, c’est un sujet du 2e trimestre 2014.
j3e – Qu’en est-il des collectivités territoriales ? La loi Handicap, qui peut se traduire par une coûteuse mise en conformité des ERP, ne permet pas à certaines collectivités de rénover leurs bâtiments comme elles le voudraient.
P.P. – Dans le projet que l’on porte pour la rénovation énergétique du parc tertiaire public et privé (rapport Gauchot), nous avons posé un principe fondamental qui est la soutenabilité de la dépense. C’est un principe en parfaite adéquation avec les règles européennes selon lesquelles on ne conduit pas un acteur, quel qu’il soit, à une dépense qui ne serait pas soutenable. Si les moyens ne sont pas disponibles, la dépense n’a pas lieu. Notre conseil aux collectivités est de concentrer leurs efforts sur un type de bâtiment ou un immeuble en particulier. La recommandation que je leur adresse est de traiter en priorité le parc éducatif. Certaines régions l’ont déjà fait avec les lycées et c’est une très bonne démarche. Si l’on assurait la rénovation des écoles, collèges, lycées et universités, les jeunes qui y sont scolarisés seraient les meilleurs ambassadeurs du monde pour inciter leurs parents à s’engager eux aussi dans la rénovation du logement. J’entends bien que les territoires ont des obligations qui se télescopent, que leurs finances ne sont pas extensibles. Mais il n’y a pas, à ce jour, d’obligation de rénovation pour les collectivités. Il est vrai que le décret de rénovation du parc tertiaire doit être acté en 2014, et c’est pour cela que j’ai pensé bon de lancer un engagement volontaire à l’intention de ceux qui veulent et peuvent s’engager dans le mouvement sans attendre.
j3e – Cette charte pour la rénovation énergétique que vous évoquez et qui a été signée par une trentaine d’acteurs ne représente, en m2, qu’une part infime du parc français…
P.P. – Il y a bien plus d’une trentaine de signataires. Leur nombre augmente régulièrement. Un évènement, en janvier, a marqué l’engagement de nombreux nouveaux signataires. L’ARF (Association des Régions de France) a signé et encourage ses Régions à faire de même. Quelques villes et départements réfléchissent. Mais, vous avez raison, cela représente peu de m2 au regard des 850 millions du parc existant, et je vais m’attaquer au deuxième volet de ce sujet. Le premier consistait à donner un élan, à rassembler tous les « voltigeurs » capables de se mettre en mouvement. Nous allons maintenant travailler avec les chambres de commerce et des métiers pour voir comment accompagner les entreprises propriétaires dans la rénovation de leurs bâtiments.
j3e – Dans l’ensemble de ces dispositifs mis en oeuvre pour soutenir la rénovation du parc existant, la régulation et l’approche globale du bâtiment, indispensables pour obtenir les résultats attendus, semblent peu visibles…
P.P. – J’ai toujours défendu et je continue de défendre la complémentarité entre l’efficacité énergétique passive et active. Je pense que la bonne démarche est d’expliquer que l’efficacité énergétique repose sur le triptyque « bâtiment isolé, système énergétique maîtrisé, comportement ajusté ». Ce n’est peut-être pas encore audible de tous, mais regardez la dernière action publique, ce programme de la France industrielle autour de la rénovation énergétique des bâtiments. Le pilotage de ce programme a été confié à Delta Dore et Point P. C’est bien la preuve que efficacités active et passive sont complémentaires. Je passe beaucoup de temps avec les industriels, et je pense mobiliser l’ensemble des acteurs, mais tous conviennent que le sujet le plus aigu dans ce domaine est la qualité de la mise en oeuvre. Cela dit, j’entends ce que vous dites et, parmi les sujets que l’on traite, il faut sans doute que l’on mette davantage l’accent sur cet aspect d’approche globale qui englobe une maintenance et un pilotage précis.
j3e – Quelle vont être vos actions prioritaires en 2014 ?
P.P. – La mise en perspective de l’étape 2020 est essentielle pour la construction neuve, mais la rénovation du parc résidentiel est tout à fait prioritaire. Il faut que nous progressions à grands pas dans la lutte contre la précarité énergétique en 2014, comme nous l’avons fait dans les derniers mois de 2013, c’est-à-dire en traitant journellement 200 à 300 maisons touchées par la précarité énergétique. Il faut que l’on conserve ce rythme ou qu’on l’accroisse. La résidence individuelle est le plus urgent de nos sujets. À surface égale, une maison consomme deux fois plus d’énergie qu’un appartement. Et, paradoxalement, les gens les plus fragiles sont propriétaires de leur maison. Quant à l’accompagnement des ménages, qui est traité au niveau du département et de l’intercommunalité sous la conduite de l’Anah, je voudrais qu’il s’inscrive dans la durée, car il y a là des enjeux sociaux très sérieux avec des ménages qui habitent en zone rurale ou périurbaine et qui se sentent abandonnés par la collectivité. Parmi les autres priorités de 2014, il faut engager le mouvement de la rénovation des copropriétés, comme je l’ai dit. Il faut également continuer à développer cet élan autour de la rénovation du parc tertiaire, en essayant de flécher les actions publiques sur le parc des bâtiments éducatifs. Enfin, du côté de l’offre, il faut réussir l’écoconditionnalité au 1er juillet.
L’efficacité énergétique des bâtiments est un mouvement dont je suis convaincu qu’il est aujourd’hui irréversible, même s’il s’inscrit dans la longue durée. Les professionnels qui douteraient encore que le marché est là devraient changer d’avis. La rénovation énergétique des bâtiments, c’est maintenant.