Les mesures prises par la France sont jugées incohérentes. L’Europe est appelée à miser sur un seul objectif de réduction de l’empreinte carbone.
La publication, jeudi 16 janvier, du rapport de la Cour des comptes sur la mise en oeuvre du paquet climat-énergie de 2008 tombe à pic. Le débat sur l’avenir de la politique énergétique et climatique à l’horizon 2030 bat son plein à Bruxelles. Le 22 janvier, la Commission européenne dévoilera ses réflexions sur le sujet. L’analyse des magistrats a une bonne chance d’influencer la négociation, qui se poursuivra lors des réunions des ministres en février et des chefs d’État et de gouvernement mi-mars. (1) D’autant plus que le message envoyé est sans équivoque : le paquet climat-énergie adopté par l’UE a échoué et la France n’a pas réussi à mettre en place une politique cohérente et efficace.
L’Europe a trop d’objectifs
Pour la Cour des comptes, le cadre européen est « complexe et peu lisible ». Le paquet comprend une multitude de textes, qui doivent permettre d’atteindre ces objectifs. Mais, selon la Cour des comptes, cette « multiplicité d’horizons et d’objectifs » rend difficile la « mise en oeuvre cohérente et un suivi efficace ». Les principaux instruments européens de la politique climatique sont jugés largement inefficaces par les sages de la rue Cambon. Faute d’un prix du carbone suffisamment élevé, le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre n’a pas incité les industriels à rendre leurs procédés moins polluants ou à investir dans le captage et le stockage du carbone. La baisse des émissions en France s’explique en grande partie par une activité réduite en période de crise économique. Il n’est toutefois pas certain que la France atteindra ses objectifs, une fois l’économie relancée, estiment les magistrats. À l’avenir, l’Union européenne devrait revoir sa politique, notamment en misant sur un seul objectif de réduction de l’« empreinte carbone », propose la Cour des comptes. Une telle approche permettrait de prendre davantage en compte la production d’électricité hexagonale déjà largement « décarbonisée ». Elle serait également plus propice à favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, « but ultime de la politique européenne ». Le développement massif des énergies renouvelables peut entraîner une « carbonisation paradoxale » du mix énergétique, telle que constatée en Allemagne, avertissent les magistrats.
Des mesures nationales incohérentes et mal évaluées
Peu clémente avec l’Europe, la Cour des comptes ne se prive pas non plus d’épingler le gouvernement français. Sa critique principale vise l’« insuffisance de pilotage interministériel » des mesures prises au niveau national. Le rôle du comité interministériel devrait être renforcé. « Foisonnantes », elles n’ont « pas la cohérence nécessaire », a résumé le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, auditionné par les députés le jour même de la publication du rapport. Une concentration excessive sur le logement et le tertiaire, « des mesures pour les transports coûteuses mais peu efficaces » et la quasi-absence de mesures pour l’agriculture, pourtant grande émettrice, sont les principales défaillances identifiées par la Cour des comptes. En principe, la France devrait miser davantage sur l’efficacité énergétique, « plutôt que sur la décarbonisation de la production d’énergie », a déclaré Didier Migaud aux députés.
Les énergies renouvelables négligées
Le développement de la chaleur renouvelable a également été négligé, déplorent les magistrats qui plaident pour un renforcement du dispositif de soutien. La montée en puissance des énergies renouvelables a pris du retard, constate la Cour. L’objectif fixé pour 2020 (23 % de la production d’électricité) « sera très difficile à atteindre » si l’ajout de capacité de production verte ne devient pas « six fois plus important que sur la période 2005-2011 ».
(1) La Commission européenne a finalement proposé que les 28 États membres se fixent pour objectif de réduire de 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. Réduction qui correspond aux recommandations du Gieec pour contenir la hausse moyenne des températures en deçà de 2 °C au niveau mondial d’ici à la fin du siècle. La proposition prévoit également que l’UE augmente la part des EnR à 27 % en 2030, sans imposer aux États d’objectifs contraignants en la matière. Enfin, la Commission a décidé de remettre à plus tard la discussion sur l’efficacité énergétique.