La réintroduction, par le législateur, des équipements de régulation dans les actions éligibles au CIDD a été accueillie avec un grand soulagement par Dan Napar, président de l’ACR, qui avait œuvré dans ce sens. Il analyse les conséquences que cette exclusion pouvait représenter et le chemin à faire en matière de prise en compte de la régulation et de la GTB dans les bâtiments.
j3e – La régulation du chauffage, notamment par le biais de la GTB, est finalement éligible au CIDD (1). Pouvez- vous retracer rapidement les faits ?
Dan Napar – Dans la première mouture du projet de loi de finances 2014, ce poste n’avait effectivement pas été pris en compte dans le choix des équipements éligibles au crédit d’impôt développe- ment durable (CIDD). Le gouvernement avait décidé de privilégier les rénovations lourdes (isolation, EnR) et d’ignorer la régulation, comme si elle allait de soi et importait peu. Nous (2) avons entamé une démarche pour obtenir un amendement à ce projet de loi de finances. Il a fallu expliquer l’importance du régulateur, cet équipement « archi-basique » mais tellement essentiel. Notre action a donné une visibilité à ce sujet et je dois dire que nos arguments de bon sens ont été entendus sans provoquer de résistance. Le texte a été amendé en notre faveur et voté à l’Assemblée nationale avec le soutien du gouvernement.
j3e – On pourrait penser que la régulation, avec le coût de l’énergie qui ne cesse d’augmenter et des équipements de plus en plus « intelligents », va se généraliser sans qu’il soit utile de l’associer au CIDD…
D. N. – Détrompez-vous ! Le taux de pénétration des équipements de régulation en France n’est que de 50 %. Certes, il est plus important dans le grand tertiaire, mais là où vous avez beaucoup d’équipements vous avez aussi beaucoup d’incohérences. Une tour, par exemple, ne sera pas toujours régulée par zone s’il y a des locataires différents à chaque étage. C’est toute la problématique posée par le foisonnement de dispositifs d’aides finan- cières que l’État est en train de mettre en place. Les pouvoirs publics veulent des rénovations lourdes qui privilégient l’isolation, les équipements performants et les énergies nouvelles, mais sans se poser la question de l’équilibre entre ces trois éléments. Or le « tout cohérent » n’existe pas s’il n’y a personne pour trouver l’équilibre entre confort et consommation. C’est bel et bien le rôle de la régulation et de la GTB. Un exemple : le rendement optimal d’une chaudière est autour de 70 % de sa charge. La charge sera-t-elle la même après avoir bien isolé le bâtiment ? Pas forcément. Et ne croyez pas que les utilisateurs vont réduire le chauffage par eux-mêmes ; ils se couvriront moins ou ouvriront la fenêtre s’il fait trop chaud tout en pensant que le bâtiment est mieux chauffé. Oublier la régulation dans une action de rénovation est presque synonyme de surconsommation. Ce n’est évidemment pas le but recherché.
j3e – Tous les discours sur le facteur 4, la performance énergétique, le coût de l’énergie… n’ont-ils pas entraîné une meilleure prise en compte de la GTB ? L’Europe pourrait imposer la régula- tion…
D. N. – Lorsque nous menons des enquêtes de terrain dans le tertiaire, nous constatons que le discours sur la GTB n’a pas changé. Non seulement les lots du bâtiment sont encore séparés, mais il n’y a pas de lot efficacité énergétique, d’où le problème du « tout cohérent » que je viens d’évoquer. Il faudrait raisonner en coût global (achat, installation, exploitation et maintenance) et approche globale système. Nous n’y sommes pas. Et la maintenance devient un poste tellement lourd quand il faut revoir tout ce qui n’a pas été correctement orchestré au départ que l’on dénigre la GTB ; les promoteurs n’en veulent pas au prétexte que le coût de construction serait trop important. Le bâtiment vendu, il faudra de toute façon revoir la régulation et la GTB pour l’ajuster à l’usage réel. C’est pour cela que, dans le cadre du salon Interclima+elec, en novem- bre dernier, nous avons annoncé le lancement de labels Efficacité énergétique vus sous l’angle de la régulation et de la GTB. Il faut combattre cette idée que la GTB ne sert à rien et lui redonner son rôle, d’autant plus qu’elle est un des postes qui coûtent le moins cher dans le bâtiment. Quant à une action de l’Europe en faveur de la régulation, nous y travaillons. Il faut, à ce niveau-là aussi, faire savoir que l’on apporte de l’efficacité énergétique en inter- agissant entre les usages et qu’il faut une régulation et une GTB orientées besoins. Propos recueillis par
Pascale Renou
1) Mais aussi de tous les autres dispositifs d’aide publique : Eco-PTZ, taux de TVA réduit à 5,5 % et prime d’aide aux travaux.
(2) Les organisations professionnelles d’industriels et les fédérations du génie climatique et de la régulation (ACR, Fnas, Fedene, Ignes, Profluid, UECF-FFB) se sont regroupées pour demander le maintien des systèmes de régulation du chauffage dans le CIDD.