j3e – L’efficacité énergétique vue côté allemand et côté français : y a-t-il une approche différente ?
Daniel Hager – En effet, l’approche est différente. Suite à la catastrophe de Fukushima, l’Allemagne a engagé son virage énergétique
« Energiewende ». Le défi est immense mais très stimulant. Cette transition énergétique provoque un bourgeonnement extraordinaire : on voit apparaître de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles économiques. Verrons-nous, par exemple, les particuliers, les collectivités et les entreprises produire et vendre leur électricité entre eux demain ? La gestion des réseaux devient alors stratégique et ouvre de nouvelles opportunités pour notre filière où les principaux « champions » sont français et allemands.
j3e – Après les produits, le marché propose aujourd’hui des solutions : qu’est-ce que ce changement implique pour votre entreprise ?
D. H. -Ce changement a de très fortes implications pour nous. Hager a établi sa réputation et construit son succès avec des produits de qualité reconnus dans toute la branche électrique. Aujourd’hui, nos composants et solutions sont disponibles dans 84 pays sur le globe ; ils tiennent compte des habitudes et normes de chacun. Nous avons dû nous adapter pour répondre aux demandes. Cette capacité d’adaptation est une vraie force, tout comme l’est notre compétence d’innovation : nous consacrons plus de 5 % de notre CA annuel à la R&D. Pour nos clients – et leurs clients – le monde devient aujourd’hui de plus en plus complexe. Notre mission consiste à leur simplifier la vie et leur travail avec des solutions intelligentes. Nous ne pensons ainsi plus en termes d’innovations produit classique, mais de plus en plus en termes de services innovants, de systèmes intelligents et de solutions utiles. Beaucoup de ces solutions sont tellement complexes que nous ne pouvons les développer qu’avec un réseau de partenaires compétents. Pour ce faire, nous avons besoin de collaborateurs qui pensent et agissent au-delà des modèles établis. Nous avons une nouvelle approche, beaucoup plus large, qui nous conduit vers des solutions toujours meilleures. Un exemple en est l’initiative Adorha, menée dans le cadre d’un appel à projets du conseil général du Bas-Rhin sur le maintien à domicile des seniors. Avec nos partenaires, tels que les scientifiques du CSTB, les experts en aménagement du CEP-Cicat, le constructeur NMA ou encore le bailleur social Opus 67, nous avons adapté notre solution domotique Tebis pour faciliter le quotidien des personnes âgées ou à mobilité réduite.
« Chaque formation représente
un moment d’échanges avec nos clients
et installateurs partenaires ;
le point de départ et le lieu de “test”
et de dialogue pour nos innovations. »
j3e – Quelle place entendez-vous prendre dans le bâtiment connecté au smart grid ?
D. H. – Hager veut se positionner comme un acteur de référence sur le segment du « smart building » et jouer un rôle prépondérant dans l’évolution du bâtiment en l’équipant d’infrastructures communicantes, essentiellement au standard KNX, et en le connectant à Internet. En témoigne le premier smart building en France réalisé à Aubervilliers par Hager en partenariat avec le groupe Bouygues (Sodéarif). Ce bâtiment offre à ses 50 locataires des services innovants de pilotage à distance et de suivi des consommations d’énergie. Notons que nous définissons comme « bâtiment intelligent » tout bâtiment connecté ouvrant ce dernier à différents services d’usage. Ces services concernent autant l’occupant, qui dispose alors de fonctions innovantes de pilotage à distance, d’alertes ou de fonctions de maîtrise de l’énergie, que les exploitants ou les opérateurs énergétiques. Ainsi, tout bâtiment intelligent Hager est compatible avec des services de type smart grid.
j3e – L’innovation s’accélère et pose le problème de la compétence. Quelle est votre point de vue sur la formation des électriciens et leur évolution face aux défis de l’e-mobilité, des bâtiments communicants ?
D. H. – Notre entreprise a misé sur la formation de ses clients et des installateurs dès ses débuts, dans les années 1950. Nous sommes conscients de l’évolution du métier que nos clients sont en train de vivre. Notre ambition est de les accompagner au plus près pour les aider à tirer parti des nouveaux enjeux de la filière du bâtiment.
En ce sens, nous nous positionnons en réel partenaire. Concrètement, nous étoffons notre offre de formation au rythme des évolutions de la filière pour que nos clients abordent sereinement ces nouveaux marchés, avec des offres allant de la maîtrise des logiciels de conception de l’installation électrique à des modules certifiants sur le protocole KNX. La formation ne doit pas être vécue comme une contrainte. Aussi, notre concept repose sur des formats adaptés à l’emploi du temps de nos clients. La majorité de nos stages durent une journée et sont dispensés dans nos 14 centres de formation agréés en région. Hager dispense ainsi en moyenne plus de 45 000 heures de formation à ses clients français.
Une grande partie de nos formations sont en outre assurées sur notre site d’Obernai, près de Strasbourg, en Alsace, permettant de proposer la visite de nos usines. En tous les cas, chaque formation représente un moment d’échanges avec nos clients et installateurs partenaires ; le point de départ et le lieu de « test » et de dialogue pour nos innovations.
L’importance que nous accordons à la formation se traduit également par un investissement de plus de 15 M€ lancé cette année. Il concerne un nouveau bâtiment, à Obernai, un véritable « forum » destiné à accueillir chaque année quelque 10 000 visiteurs de tous les continents. Celui-ci revêtira différentes fonctions : lieu de formation mais aussi de réunions, de séminaires, de conférences, d’expositions et d’échanges informels. Il sera également laboratoire de tendances et centre de développement.
j3e – Quelle est la politique de Hager en matière de recyclage ?
D. H. -Nous misons sur une production écologique cohérente globale incluant l’ensemble du processus de fabrication, de la sélection des matières premières jusqu’au traitement et au recyclage. À cet égard, nous appliquons la norme environnementale internationale
ISO 14000 ; 10 de nos 20 sites de production dans le monde sont déjà certifiés. Mais l’élément clé pour économiser les ressources et les matières premières n’est pas uniquement le recyclage, c’est aussi l’utilisation intelligente des matières en général.
Nous avons développé une stratégie d’éco-design qui englobe la totalité du cycle de vie du produit. Un exemple d’éco-design réussi est le nouveau disjoncteur Hager. Le produit est très compact, et la quantité de matière première a pu être réduite de 20 % par rapport au modèle précédent. Ce détail nous permet d’économiser chaque année 4 500 t de matières premières et d’éviter d’émettre 300 000 t de CO2. En 10 ans, cela nous a permis d’économiser la quantité d’énergie générée en un an par une centrale électrique de 100 MW. Et ce n’est qu’un « petit » exemple. Faites le calcul avec plus de 80 000 produits fabriqués par Hager dans le monde et vous obtenez notre écobilan. Grâce à l’éco-design !
j3e – La sécurité dans les bâtiments va devenir clé : comment Hager se positionne sur ce secteur ?
D. H. -Le lien entre les univers de l’installation électrique et de la sécurité devient de plus en plus fort, en particulier dès qu’il s’agit de la domotique. Nous venons ainsi de lancer en France une passerelle qui facilite l’intégration des fonctions alarme dans une installation
domotique KNX. Elle permet notamment de recevoir des alertes à distance en cas d’intrusion. Cette solution traduit bien le savoir-faire de Hager dans ces domaines. Avec l’intégration du spécialiste de l’alarme radio Atral, en 2004, et plus récemment d’Elcom qui dispose d’un savoir-faire dans le contrôle d’accès, nous apportons une offre complète allant jusqu’à la télésurveillance.
Par ailleurs, l’implantation bientôt obligatoire des détecteurs de fumée dans les logements offre de nouvelles opportunités intéressantes pour nous et nos clients.
« L’élément clé pour économiser les ressources et les matières premières
n’est pas uniquement le recyclage, c’est aussi l’utilisation intelligente des matières en général. »
j3e – Parlez-nous du Projet 2015 : de quoi s’agit-il exactement ?
D. H. – Chez Hager, le projet d’entreprise est une tradition bien établie. Tous les 5 ans, nous analysons notre environnement, nous évaluons nos ressources, nous définissons nos objectifs et les stratégies appropriées afin de les atteindre. Cette méthode permet
d’établir les grandes orientations de l’entreprise, qui constituent la base des objectifs individuels de chacun. Conformément à notre certification « Investors in People », nous attachons beaucoup d’importance aux entretiens d’évolution annuels faisant le point
sur ces objectifs ; il est essentiel que chacun de nos 11 400 collaborateurs comprenne sa participation dans l’atteinte des objectifs globaux. Le Projet 2015 est un processus participatif qui a impliqué, à différents niveaux, plus de 300 personnes dans
le groupe pour définir notre cap. Comprenez bien : il ne s’agit là ni d’un business plan ni d’un plan à 3 ans détaillé. Je parle d’un outil qui donne les moyens d’agir et libère les énergies qui font toute la singularité de notre entreprise. Le Projet 2015 est le 7e du groupe. Il est garant de notre pérennité et de l’indépendance de Hager Group.