CONCEPTION LUMIÈRE
François Migeon : « Une nouvelle approche, celle des territoires. »
Cette année, un nouveau prix récompensant des projets de lumière, nommé prix de l’ACEtylène, a été remis par l’ACE, à Tours. Ce prix s’inscrit dans la continuité des Rencards de l’ACEtylène qui ont eu lieu le lendemain, avec un thème commun : le paysage urbain.
La présence et le discours d’Alain Devineau, adjoint au maire en charge de l’urbanisme et du patrimoine de la ville de Tours, ont conforté la constante nécessité de présenter des projets de concepteurs lumière, « leur qualité indiscutable nous permettant d’affirmer l’ancrage de notre profession dans les équipes de maîtrise d’oeuvre, mais aussi auprès des maîtres d’ouvrage ».
Trois projets ont été nominés. Ils sont la démonstration de trois approches sensibles, en regard d’un contexte spécifique ayant une implication sur le paysage. Trois partenaires « fabricants » de l’ACE ont accompagné cette remise de prix en offrant, chacun, un objet lumière issu de leur savoir-faire. De la lampe « collector » à celle associant un pot d’encastrement avec une tête de mât lumineuse, mais aussi d’un luminaire tubulaire nouvelle génération, les prix de l’ACEtylène ont représenté un très beau moment pour échanger entre professionnels de la lumière.
Journée marathon
Le lendemain, les Rencards de l’ACEtylène ont été accueillis sur le site des jardins de Chaumont-sur-Loire pour une journée « marathon » autour du thème « Lumière et paysage ». Le temps fort de la matinée a été marqué par l’intervention d’Emmanuel Berrod et de Thomas Le Tallec autour du thème de la biodiversité et de son implication sur nos savoir-faire de concepteurs lumière. Si l’adhésion de la salle à cette approche du respect de la biodiversité dans les projets de paysage a été si massive, « c’est que nous avions en face de nous des experts instaurant un dialogue constructif avec notre profession ».
Une page s’est ouverte, « nos projets en seront impactés », confortant la position des concepteurs lumière face aux nouveaux enjeux environnementaux. En écho à cette présentation, un projet de paysage intégrant une trame noire a été présenté, et si nombre de concepteurs prennent actuellement en compte ces notions, elles ont pris ici un sens nouveau car sous-tendu par une réelle approche scientifique objective où l’ensemble des paramètres générant un projet lumière sont abordés.
« Si l’ombre est déjà très présente dans nos projets, elle prend aujourd’hui une autre dimension en répondant à des préoccupations directement liées à l’impact de la lumière et de sa mise en oeuvre. » Ces réflexions mènent à aborder tout projet dans une valeur d’échelle différente, celle du territoire au sens large et des liens à tisser pour trouver des continuités cohérentes de fonctionnement global.
LA QUESTION DES HONORAIRES
Au-delà du vif intérêt porté à la nécessité d’intégrer les enjeux de la biodiversité, il n’en reste pas moins la difficulté, pour les équipes des concepteurs lumière, d’intégrer ces nouvelles compétences, avec la question récurrente des honoraires, qui ne nous permettent pas, actuellement, de partager ces approches. Un dialogue à engager avec nos maîtres d’ouvrage… « Cette démarche implique une approche de notre métier nécessitant de l’humilité, mais avec la gratification de s’inscrire ainsi dans une histoire beaucoup plus grande que celle de la lumière. Celle de notre devenir », estime François Migeon.
Éclairage durable & biodiversité
Les jardins de Noé
« Notre mission ? Sauvegarder la biodiversité par des programmes de conservation d’espèces menacées et de leurs milieux naturels, en encourageant le changement de nos comportements en faveur de l’environnement » précise Emmanuel Berrod.
À l’occasion des Rencarts de l’ACEtylène, ce jeune chargé de projet , après avoir rappelé la mission de l’association Noé Conservation, a présenté le programme « Biodiversité & collectivités » dont il a la responsabilité.
Il a plus particulièrement traité le volet éclairage durable & biodiversité dont l’action s’organise autour de 2 thèmes :
– réduction des nuisances lumineuses pour l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques pour les collectivités ;
– mise en place d’indicateurs permettant de mesurer l’impact de l’éclairage nocturne sur la biodiversité.
À ce propos, soulignons que le comité d’experts de la charte s’est réuni, fi n octobre, afin de poursuivre l’amélioration de ce document, qui impulse un changement des comportements pour protéger les espèces de nos villes et villages.
Noé Conservation, à travers son travail régulier avec les concepteurs lumière, souhaite réduire l’impact des éclairages de parcs, jardins et monuments sur la biodiversité locale.
Noé estime essentiel d’impliquer les concepteurs et paysagistes dans la démarche, les espaces verts étant souvent un poumon de biodiversité au sein des villes. A ce propos, le programme « Jardins de Noé » propose une charte de 10 points pour les jardiniers amateurs et professionnels avec un geste sur l’éclairage des jardins.
PARTENARIAT
Rappelons qu’un partenariat a été engagé avec ETDE, le pôle Énergie et Services de Bouygues Construction, afin de participer à la sauvegarde de la biodiversité. En conséquence, des actions menées en faveur de la biodiversité sont dorénavant introduites dans les réponses aux appels d’offres de longue durée.
Lumière vivante
Diverses forces de sélection ont influencé l’évolution des organismes vivants. Parmi elles, la lumière générée par notre soleil a sans doute eu l’influence la plus importante. En effet, la lumière et ses cycles, qu’ils soient journaliers ou saisonniers, ont conditionné l’apparition, chez les organismes vivants, de systèmes photorécepteurs, de systèmes visuels et d’horloges biologiques. En d’autres termes, la lumière et ses cycles ont conduit ces organismes à développer une représentation spatiale et temporelle de leur environnement. « Ce sont ces représentations qui ont permis aux organismes de s’adapter à l’environnement », a expliqué Thomas Le Tallec, doctorant à l’UMR 7179 MNHN/CNRS (voir p. 11 et 12), à l’occasion des derniers Rencarts de l’ACEtylène.
De nos jours, la lumière artifi cielle peut, en certaines circonstances, interagir avec la lumière naturelle et ses cycles et, en conséquence, affecter les organismes. Ainsi, en présence de lumière artificielle, l’attrait des individus pour un environnement donné et leurs capacités à s’y orienter peuvent être modifiés. Les comportements locomoteurs, alimentaires, reproducteurs et les communications peuvent être perturbés. À l’échelle des écosystèmes, ce sont même les équilibres inter et intra-espèces qui sont affectés.
En somme, altérer la lumière et ses cycles naturels, tel que le font parfois les éclairages artificiels, revient à nuire à la représentation spatiale et temporelle que les organismes vivants ont de leur environnement.
« Pourtant, les moyens susceptibles de limiter ces déséquilibres existent », explique Thomas Le Tallec pour qui il est crucial de recourir à des solutions alternatives lorsqu’un plan lumière est établi « afin de préserver et protéger la biodiversité et les écosystèmes », conclut-il.
À PROPOS DES FORCES DE SÉLECTION
Le terme « forces de sélection » désigne les contraintes environnementales conduisant à favoriser un (des) caractère (s) chez un organisme vivant. Si le caractère est favorable, c’est-à-dire s’il est utile à l’organisme, alors il contribuera à sa survie et pourra être transmis à sa descendance. Les « forces de sélection » influent sur l’évolution des espèces. Typiquement, une « force de sélection », par la contrainte qu’elle exerce sur les organismes, favorisera certains individus. C’est la sélection naturelle.
SDAL de Rennes
Aménage-moi l’obscurité !
Lors des derniers Rencards de l’ACEtylène, Roger Narboni (agence Concepto) et Gwenaël David (chef de projet du SDAL(1) de Rennes) ont dévoilé « la trame noire » étudiée dans l’environnement de la ville bretonne. Leur objectif ? Favoriser la biodiversité grâce à l’aLménagement de l’obscurité.
« La conception de notre plan lumière doit nous conduire à mettre en place un système global et cohérent d’éclairage, avec des investissements planifiés dans l’espace et dans le temps », commentait Benoît Caron, conseiller municipal de la ville de Rennes, le 8 novembre 2010. « D’autant plus, soulignait-il, qu’aucune place n’avait visiblement été accordée à la dimension environnementale. »
Entre ville et campagne
L’organisation satellitaire de l’espace métropolitain tient à la forme urbaine particulière qui s’est développée autour de Rennes. Sur le territoire communal, la ceinture verte est liée à la présence de la rocade qui permet d’identifier la ville, cette dernière marquant nettement les limites de l’espace urbain et des espaces naturels et agricoles qui jouent un rôle prépondérant dans l’équilibre de l’agglomération entre ville et campagne. Cette ceinture verte contribue à développer une véritable identité paysagère de l’agglomération et des abords. En limitant volontairement son urbanisation aux limites de la rocade, Rennes préserve ainsi ses grands espaces naturels extra-rocade.
Trame noire
Aujourd’hui, la municipalité de Rennes a décidé, dans le cadre d’un SDAL placé sous la responsabilité de Gwenaël David, de développer une politique de valorisation des espaces à caractère naturel, agricole et de loisir avec la volonté de protéger des espaces sensibles (zones inondables, sites d’intérêt écologique et boisements). Des corridors écologiques sont ainsi constitués et développés, dans et en bordure de Rennes, pour préserver et encourager le développement de la biodiversité.
Outre l’étude d’un SDAL, « il faut également inventer, pour Rennes, un plan de préservation et d’aménagement de l’obscurité », explique Roger Narboni. Complémentaire et en appui des trames vertes et bleues de la ville, « c’est cette idée de trame noire qu’il convient, à présent, d’étudier en concertation avec tous les acteurs concernés ». De quoi s’agit-il ? De délimiter des zones d’obscurité, partielles ou temporaires, tout en assurant leurs liens et franchissements. À suivre donc…
(1) SDAL : schéma directeur d’aménagement lumière.
Jonathan Speirs
Parti vers d’autres lumières
Le 18 juin dernier, le concepteur lumière écossais Jonathan Spiers perdait hélas son combat contre la maladie. À l’occasion des Rencart de l’ACEtylène, Anne Bureau lui a rendu hommage au nom de la profession.
En 1993, alors âgé de 35 ans, Jonathan Speirs est rejoint par Mark Major avec lequel il crée l’agence Speirs + Major. En tant que Lighting designer, cette dernière participe à de très nombreux projets architecturaux et urbains de qualité partout dans le monde.
Pour évoquer la personnalité de Jonathan, Anne Bureau a préféré emprunter les mots de son associé et ami Mark :
– « Jon était charismatique, énergique, ridiculement enthousiaste et totalement passionné par l’architecture et la lumière. »
– « Que vous ayez été client, architecte, employé travaillant dur pour lui ou que vous l’ayez simplement rencontré à une fête, vous ressortiez toujours enrichi d’une rencontre avec Jon. »
– « Jon était un homme dont le verre n’était jamais à moitié vide ou à moitié plein, mais toujours débordant. »
– « Jon pouvait non seulement développer un concept génial d’éclairage en un clin d’oeil, mais il pouvait synthétiser dans le même temps les solutions techniques pour y aboutir. »
– « Jon était également un homme posé et extrêmement modeste. »
POUR AIDER LES JEUNES CONCEPTEURS
Pour marquer l’immense contribution de Jonathan à la conception lumière, ses amis on décidé de créer le « Jonathan Speirs Scholarship Trust » pour apporter un soutien financier à deux jeunes architectes souhaitant se lancer dans la profession de Lighting designer, comme le fi t Jonathan il y a plus de 30 ans.
ACE – 1 7 rue Hamel i n – 75783 P aris Cedex 1 6 – Tél . : ( 3 3 ) 0 2 33 9 4 48 61 – 0 6 98 68 5 3 39
– ace.vincaguezennec@orange.fr – www.ace-fr.org – Contact : Vinca Guezennec