De : Marie-Hélène Nougaret | 18/10/2012 | 9:00 | Industrie/Négoce
Malgré les mutations profondes qui affectent l’amont, et l’effervescence technologique qui bouscule toutes les habitudes, le « lot » électrique a de beaux jours devant lui. La demande en logements, la présence accrue de matériels électriques et électroniques dans les bâtiments, les enjeux de nos sociétés sur les économies d’énergie, sur le vieillissement de la population, sur la sécurité des biens et des personnes : tous ces éléments sont extrêmement porteurs. Deux années de bonne croissance permettent même d’appréhender plutôt sereinement le trou d’air qui s’annonce pour 2013. D’où vient alors le sentiment d’insatisfaction qui transparaît sur le marché de la distribution de matériel électrique pour le bâtiment ? Sans doute de l’instabilité des affaires et de l’impossibilité de faire des prévisions. Comme le souligne Patrick Berard, directeur général France et Europe du sud de Rexel : « Je n’ai jamais connu une telle incertitude sur l’évolution des marchés… Face à cela, il ne s’agit pas de piloter à vue : il faut être capable au contraire de réaliser des ajustements ciblés, avoir des structures d’information et de fonctionnement extrêmement fluides pour orienter, par fines corrections, les stratégies globales. »
Evolution des ventes par segments de produits
Evolution des ventes de matériels électrique par la distribution professionnelle par segments de produits
Le ralentissement du marché concerne tous les produits, à l’exception du génie climatique qui recule toujours mais de façon moins radicale. La baisse des investissements, que ce soit de la part des ménages, des administrations publiques ou des entreprises non financières, impacte directement des segments comme l’appareillage.
Les variations des prix de matières premières jouent un rôle important sur les ventes. Le pétrole et ses dérivés, les terres rares et l’aluminium sont orientés à la hausse, alors que le cuivre recule de 7 % sur les sept premiers mois de 2012 après avoir explosé de + 53 % en 2010 et + 11 % en 2011. Même
les familles sur lesquelles la filière base beaucoup d’espoir – l’éclairage et la VDI – ne progressent plus au même rythme.
Les promesses de l’efficacité énergétique
Par ailleurs, les résultats attendus du Grenelle de l’environnement semblent inférieurs aux attentes. Pénalisation des solutions électriques dans le moteur de calcul de la RT 2012, bulles spéculatives et ses avatars sur les EnR, priorité aux investissements « passifs » dans la rénovation énergétique (isolation, menuiserie…), ou aux solutions à boucle d’eau. La filière électrique se sent parfois flouée par la révolution énergétique. « Que ce soit dans les EnR qui devaient être boostées par le Grenelle ou la domotique en général, l’explosion annoncée du marché n’a pas eu lieu pour les électriciens », note ainsi José Pereira, président de l’UNA Equipements électriques et électroniques de la Capeb.
Et pourtant, tous font le même constat : pas de salut hors de l’efficacité énergétique ! Comme le résume Xavier de Froment, Directeur France du groupe Legrand « L’année 2013 risque d’être compliquée. Cependant, les besoins sont toujours là : pénurie de logements, rénovation énergétique en route, vieillissement de la population… Nous restons donc confiants ».
La domotique (enfin) en marche
Autre eldorado en devenir de la filière électrique depuis des années, la gestion technique du bâtiment et la domotique. Une dynamique positive s’est créée entre ces sujets et l’efficacité énergétique. Les industriels suivent un rythme effréné d’innovations. « Le défi le plus complexe à relever pour un industriel actif sur le marché de l’automatisme, note Thierry Leroy, directeur marketing de Theben, c’est l’évolution des technologies en rapport avec les attentes grandissantes des utilisateurs. » Mais, comme le souligne une étude du BSRIA sur la domotique en Europe, « l’offre est amenée à se simplifier et se standardiser pour faire baisser les coûts pour l’utilisateur final… car le prix est encore une barrière importante à l’évolution de ce marché ».
D’où le déploiement notable d’outils de mesure du retour sur investissement pour les clients. Dans le secteur tertiaire et industriel, ce discours est en train de faire basculer le segment de l’éclairage vers les technologies Led. « Il y a un an, lorsque nous répondions à des appels d’offre, la plupart des prescriptions se faisaient sur des solutions d’éclairage classiques avec en option une possibilité de répondre sur une solution Led. Maintenant, c’est l’inverse », relate Frédéric Granotier, PDG de Lucibel.
La standardisation (notamment autour de KNX) fait son chemin également. Et les solutions s’intègrent de plus en plus. « Nos offres évoluent vers des propositions « systèmes » plus que vers des produits individuels », souligne Thierry Leroy. Reste à former l’aval de la filière, techniquement mais surtout commercialement. Autre enjeu de la domotique, la sécurité des biens et des personnes, notamment avec le vieillissement de la population, garde les faveurs de la filière, même si sa croissance n’est que progressive.
L’enjeu de la révolution numérique
« Les moyens de communication sont désormais présents partout : il est inconcevable que le bâtiment ne soit pas très rapidement, lui aussi, connecté à Internet. » Le sentiment de Thierry Leroy est partagé par toute la filière… et même au-delà. La connexion des bâtiments, la récupération des données ainsi émises et leur traitement est un sujet qui suscite bien des convoitises… et des interrogations.
« Il faudrait rapidement qu’un protocole standard soit retenu par les industriels, note ainsi Thierry Leroy. De même, devrons-nous proposer les solutions de services et de mise à jour de ces produits communicants qui auront sans doute une durée de vie beaucoup plus courte. Bref, nos modèles économiques vont être sérieusement bougés. » Pour les distributeurs et les installateurs, la révolution numérique bouscule aussi les habitudes et exige une montée en compétences et de nouveaux modèles.
Avec, dans ce segment également, un risque de voir « s’échapper » la maîtrise de la data numérique vers d’autres filières et des besoins en investissements accrus. General Electric ne vient-il pas d’investir un milliard de dollars dans un centre de R&D de 400 personnes entièrement dédiées au sujet de data mining !
FOCUS
– Installations électriques : 7 millions de logements « à risque », dont 2,3 millions « très dangereux ».
– 2/3 des logements de plus de 15 ans vendus entre 2009 et 2011 en « insécurité électrique » d’après leur Diagnostic électrique obligatoire.
– 58 % des logements ont près de 40 ans (construits avant 1974).
– La rénovation électrique d’un logement se fait en moyenne tous les 35 ans. Il faudrait un diagnostic
tous les 10 à 15 ans.
– 30 % des incendies ont une cause électrique.
– Seuls 30 % des produits électriques sur le marché disposent d’une certification tierce partie attestant de
leur conformité.