Éléments indispensables pour accompagner l’essor des énergies renouvelables, les technologies de stockage d’énergie sont en effervescence. Avec une diversité à la fois des technologies et des enjeux, la filière du stockage monte en maturité.
Stocker, un intérêt technique et… économique
Le stockage est en effet l’atout indispensable pour le mixte électrique, et apporte au système électrique quatre grandes familles de services :
- le secours, en particulier pour pallier les éventuelles défaillances réseaux ;
- le lissage de la charge, par exemple par le stockage de production en période de faible demande et restitution en pointe ;
- le maintien voire l’amélioration de la qualité d’alimentation, notamment pour se substituer aux centrales à énergie fossile ;
- enfin, l’intégration d’énergies de sources renouvelables (de nature intermittente, la production des énergies renouvelables va être lissée avec l’aide judicieuse du stockage).
Les enjeux sont aussi économiques. Avec la volatilité des marchés journaliers, la loi Nome et la dérégulation tarifaire, le stockage est une opportunité pour générer des bénéfices ou bien encore pour optimiser son équation tarifaire et consommer au tarif le moins cher.
Il y a aussi un intérêt social, le coût des solutions de stockage a longtemps freiné le développement de l’accès à l’énergie pour les pays en développement.
Stocker l’électricité, c’est possible
On peut stocker l’énergie tout d’abord sous forme mécanique de plusieurs façons :
- premier exemple bien connu, les barrages hydroélectriques et les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), qui stockent de grandes quantités d’énergie, mobilisables en quelques minutes ;
- second dispositif, le stockage par volant inertiel : un volant est entraîné par un moteur électrique. L’apport d’énergie électrique permet de faire tourner la masse du volant à des vitesses très élevées (plus de 8 000 tours/mn) en quelques minutes. L’alimentation coupée, une fois lancée, la masse continue à tourner. L’énergie est ensuite restituée en couplant un moteur qui fonctionne en génératrice. Environ 80 % de l’énergie absorbée peut être restituée.
On peut également stocker l’électricité sous forme électro-chimique : c’est le dispositif le plus connu, avec des dimensionnements flexibles qui font que les batteries ont envahi notre quotidien pour des usages variés. Elles sont constituées par empilement de disques composés de différents types d’éléments chimiques (plomb-acide, nickel-cadmium, nickel-hydrure métallique, lithium-ion, lithium-polymère, etc.).
« Avec le prix des batteries et convertisseurs qui s’est réduit de moitié en moins de 3 ans, et le prix du panneau photovoltaïque qui a été divisé par 5 en 15 ans, l’électricité d’origine photovoltaïque est de plus en plus rentable et possible sans subvention », souligne Thierry Djahel, directeur Développement et Prospective au sein de Schneider Electric.
Stockage électro-chimique : zoom sur le vecteur hydrogène
avec l’interview d’Hélène Pierre, du département Crigen de ENGIE, membre de l’Afhypac, association qui fédère les acteurs de la filière hydrogène et piles à combustible en France.
Le principe du stockage par hydrogène, quel est-il ?
Le principe de stockage par hydrogène est basé sur la conversion d’électricité difficilement stockable en hydrogène (gaz facilement stockable) via un procédé d’électrolyse. Cet hydrogène peut être ensuite :
- Utilisé en tant que tel dans des applications de type : mobilité comme carburant pour véhicules électriques à hydrogène ou applications industrielles.
- Injecté dans les réseaux gaz naturel dans une proportion qui reste à préciser ou être transformé en un autre vecteur (méthane de synthèse par exemple) en recombinant hydrogène et CO2. C’est ce que l’on appelle le Power to Gas, permettant de transporter/distribuer et stocker cette électricité transformée en hydrogène ou en méthane de synthèse, via les infrastructures gaz naturel.
- Il peut également être reconverti en électricité et chaleur en privilégiant une technique de cogénération performante comme une pile à combustible, installée de préférence au plus près des consommateurs finaux.
En synthèse, le stockage d’électricité par hydrogène est d’une grande flexibilité temporelle et permet de stocker l’énergie sur des durées courtes ou longues.
Le stockage par hydrogène, pour quels usages et marchés ?
À ce jour, les valorisations de l’hydrogène sur les premiers marchés sont plutôt ciblées vers la mobilité et l’industrie. À l’échelle du bâtiment, on peut citer le projet GRHYD (2014-2018), piloté par ENGIE, qui devrait desservir, via une boucle de réseau de distribution, 200 logements dans la Communauté urbaine de Dunkerque, avec un mélange gaz naturel/hydrogène, dans une proportion variable d’hydrogène limitée à 20 %. Ce sera une première desserte en hydrogène de logements.
Il existe aujourd’hui différents projets de desserte de logements via des piles à combustible, mais qui fonctionnent sur réseau gaz naturel (ex. : projet Enefield en Europe).
Et bien sûr, il y a le stockage thermique. Le cas le plus connu, c’est notre ballon d’ECS. Ce stockage mobilise un parc de plusieurs millions d’installations, pour un appel de puissance électrique de plusieurs gigawatts. Cet appel est prédictible, pilotable, et peut se décaler dans le temps.
D’autres dispositifs de stockage thermiques sont utilisés notamment parce que l’énergie solaire thermique est… au maximum lorsque les besoins en énergie thermique sont, eux, au minimum. Ainsi le stockage saisonnier, sous forme chaleur, permet de restituer en hiver l’énergie stockée durant l’été.
Le transfert du solaire thermique et stockage peut s’effectuer :
- par chaleur sensible, c’est-à-dire par changement de la température du matériau – la chaleur est alors emmagasinée dans le matériau ;
- ou par chaleur latente, c’est-à-dire par changement de phase du matériau, généralement changement solide/liquide d’un matériau pour lequel la variation volumique est faible.
Troisième solution prometteuse : le stockage thermochimique (par sorption ou réaction chimique) via des procédés mettant en œuvre des réactions chimiques réversibles qui permettent de séparer un produit sous l’effet d’une source de chaleur. Les deux (ou plus) composants sont alors stockés séparément sans perte thermique et la chaleur est restituée lorsqu’ils sont remis en présence en reformant le produit initial.
Enfin, il reste le stockage électromagnétique au travers de deux technologies :
- les super-condensateurs. Ils peuvent stocker un million de fois plus d’énergie électrique qu’un condensateur classique. On commence à voir apparaître les premiers bus électriques, tramways, alimentés exclusivement par des super-condensateurs. Et cette technologie pourrait demain permettre de recharger en quelques minutes nos téléphones et véhicules électriques ou bien stocker l’électricité des panneaux photovoltaïques. La R&D planche pour en augmenter la quantité d’énergie stockée tout en limitant son poids et sa taille ;
- les bobines supraconductrices ou SMES : l’énergie y est stockée via un courant électrique envoyé dans une bobine de fil supraconducteur. Une fois la bobine court-circuitée, le courant reste indéfiniment car il n’y a pas de perte. L’énergie est donc stockée dans la bobine sous forme magnétique et électrique et peut être ensuite récupérée en un temps très court.
Nous reviendrons en détail dans les prochains numéros sur les solutions et technologies disponibles, sur leurs avantages et intérêts, parfois différents, pour les acteurs du système électrique.
….et le stockage par azote liquide
https://m.youtube.com/watch?v=w6RAQoWcOf4&feature=youtu.be